L’ironie fait partie, à l’instar de la métaphore, de ces plus vieux objets linguistiques du monde qui stimulent la réflexion sans jamais l’épuiser. Le présent article entend éclairer quelques aspects de son fonctionnement à partir de la notion heuristique de dialogisme. Notre hypothèse est que l’ironie est un fait dialogique discursif: il consiste en l’interaction spécifique de deux discours. Après avoir établi le fonctionnement dialogique de l’énoncé ironique, nous explicitons sa particularité qui nous semble tenir à l’association de trois ingrédients - (i) l’implicite de l’interaction dialogique, (ii) la discordance avec le cotexte et /ou le contexte, (iii) le jeu de l’énonciation - dont aucun ne lui appartient en propre. Ces trois éléments, à l’œuvre dans l’ironie, sont présents mais séparément dans d’autres tours, actes de langage, ou types de discours: discours rapporté, allusion, énoncé paradoxal, mensonge, énoncé hypocoristique notamment. Ils font ici l’objet d’un assemblage qui nous fait définir l’ironie comme un cocktail dialogique. Cette hypothèse sera développée à partir d’un corpus d’exemples authentiques pris dans différents genres du discours. | L’ironie, un cocktail dialogique? VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162 L’ironie, un cocktail dialogique? Jacques Bres* Praxiling, UMR 5267 CNRS-Montpellier III Received 9 August 2011 Résumé. L’ironie fait partie, à l’instar de la métaphore, de ces plus vieux objets linguistiques du monde qui stimulent la réflexion sans jamais l’épuiser. Le présent article entend éclairer quelques aspects de son fonctionnement à partir de la notion heuristique de dialogisme. Notre hypothèse est que l’ironie est un fait dialogique discursif: il consiste en l’interaction spécifique de deux discours. Après avoir établi le fonctionnement dialogique de l’énoncé ironique, nous explicitons sa particularité qui nous semble tenir à l’association de trois ingrédients - (i) l’implicite de l’interaction dialogique, (ii) la discordance avec le cotexte et /ou le contexte, (iii) le jeu de l’énonciation - dont aucun ne lui appartient en propre. Ces trois éléments, à l’œuvre dans l’ironie, sont présents mais séparément dans d’autres tours, actes de langage, ou types de discours: discours rapporté, allusion, énoncé paradoxal, mensonge, énoncé hypocoristique notamment. Ils font ici l’objet d’un assemblage qui nous fait définir l’ironie comme un cocktail dialogique. Cette hypothèse sera développée à partir d’un corpus d’exemples authentiques pris dans différents genres du discours. Mots-clefs: Ironie, dialogisme, énonciation, antiphrase. [l’ironie] on y entend deux voix, deux sujets qu’il exerce. Il s’agira dans cette recherche non (celui qui dirait cela pour de bon et celui qui de rendre à la raison linguistique l’ironie - parodie le premier). (Bakhtine 1959/ 1984: 316) quelle prétention! - mais de tenter d’éclairer quelques aspects de son fonctionnement à partir de la notion heuristique de dialogisme. 1. Préliminaires et hypothèse* Pour commencer, dessinons le cadre de L’ironie fait partie, à l’instar de la